Fallait pas nous crêper le chignon

Une conférence gesticulée engagée

« Jolene, I’m begging of you please don’t take my man…”, “Laisse-moi kiffer la vibe avec mon mec, j’suis pas d’humeur à ce qu’on nous prenne la tête » ….

Le CFEP a invité le jeudi 22 mars 2025 Daphné Linardos, qui a animé conférence gesticulée « Fallait pas nous crêper le chignon ». Cette conférence gesticulée traitait des rivalités féminines, de leurs origines et de leurs expressions au sein des relations amoureuses et affectives.
Patriarcat ou adelphité ? Entre théorie et expériences personnelles, Daphné Linardos cherche à déranger les codes sociaux en montrant que la rivalité féminine n’est pas un fait naturel mais bien une injonction. Les livres, musiques, films et séries sont des véhicules pour ces symptômes du système patriarcal et hétéronormatif.

Humour, rélexions et sororité

Pourquoi en vouloir à une amie quand elle se rapproche d’un homme que j’aime bien ? En réalité, les femmes sont mises en concurrences, doivent se distinguer, être « pas comme les autres » afin d’avoir une quelconque valeur aux yeux de la société. Pour être validée par un homme, il est primordial pour une femme d’occulter quelconque autre femme et de se conformer absolument à ce que veut un homme, par exemple en termes de normes de beauté. Mais alors comment entretenir des relations amicales et saines entre femmes si nous semblons condamnés à la jalousie et concurrence ? Daphné Linardos tente de nous aider à nous émanciper de ce système par le biais de l’adelphité et de l’intersectionnalité. Il est en réalité non seulement question de rejeter certains modèles « conventionnels » de relations, mais également simplement de communiquer et exprimer le poids de ses injonctions entre amies.

En mêlant humour, anecdotes et réflexions, Daphné Linardos offre un moment de catharsis, une safe place pour repenser nos relations entre femmes. Sororité, émancipation, il est de ce fait clair que Daphné Linardos nous invite dans un réflexion et une lutte commune et à ne pas se crêper le chignon entre femmes.  

Pour en connaitre plus sur cette thématique, Daphné Linardos continue de se produire et propose d’autres moments de réflexion ! Rendez-vous sur son site https://daphnelinardos.com/. A bientôt au Centre Féminin d’Éducation permanente !

Décoloniser l’Alpha et le FLE : une démarche collective et féministe

L’équipe du CFEP a eu l’opportunité de participer à une formation d’ITECO asbl intitulée  » Les féminismes décoloniaux en alpha et en FLE, Parce que la colonialité est partout, la décolonialité est inévitable « . À la suite de cette formation, nous nous engageons à revisiter nos pratiques dans une démarche de décolonisation, en nous appuyant sur les enseignements et ressources partagés lors de ce programme.

Illustration pour l'article sur le féminisme décolonial

Idées et engagements principaux 

Une des premières idées abordées est la critique du modèle occidental, blanc et colonial de l’apprentissage. Ce modèle, profondément ancré dans une vision coloniale, repose sur l’idée implicite que « je sais mieux », créant ainsi une hiérarchie des savoirs. Dans cette perspective, le savoir occidental, souvent perçu comme supérieur, se positionne contre ce qui est jugé « primitif », dévalorisant ainsi d’autres formes de savoir et de culture. Les langues et traditions non occidentales sont fréquemment reléguées à un statut inférieur. Le CFEP s’engage résolument à déconstruire cette hiérarchie et à plaider pour une éducation plus inclusive, respectueuse de la pluralité des savoirs, qui valorise les savoirs propres et les cultures dans leur diversité et leur richesse. 

Un autre engagement majeur découle du rejet du féminisme blanc néolibéral, qui impose une vision étroite de l’émancipation des femmes. Ce modèle, imprégné de logiques néolibérales, met en avant l’image d’une femme blanche, bourgeoise, qui s’épanouit dans un système économique capitaliste : travail salarié, enfants, conformité à des normes sociales, notamment l’absence de voile. Il s’agit là d’une vision limitative et homogénéisante de l’émancipation, qui ignore les réalités des femmes racisées et/ou migrantes. L’association souhaite promouvoir un féminisme intersectionnel et décolonial, qui intègre la diversité des vécus et des combats, et qui lutte contre la marchandisation des corps et des identités féminines. Cela implique de redéfinir l’autonomisation des femmes, loin des impératifs économiques imposés par un modèle néolibéral qui exclut une grande partie des femmes.

Enfin, en réponse à ces modèles oppressifs, nous défendons l’intersectionnalité comme cadre d’analyse politique et philosophique. L’intersectionnalité, qui permet de prendre en compte la multiplicité des facteurs (genre, race, classe sociale, sexualité, etc.) dans la compréhension des rapports de pouvoir et des formes d’oppression, devient ainsi un outil fondamental pour déconstruire les inégalités systémiques. Loin d’être une simple grille de lecture, l’intersectionnalité est une approche qui nourrit l’action militante, en offrant une vision plus nuancée et inclusive des expériences vécues. Cette démarche permet d’analyser les enjeux sociaux sous un angle complexe et de promouvoir une action collective plus juste, où les luttes contre les discriminations s’entrelacent et se renforcent.

Une analyse critique du modèle Alpha/FLE et des dynamiques coloniales

Jérémy Piolat soulève également une ambiguïté importante : dans quelle mesure le milieu associatif, qui se veut bienveillant, ne perpétue-t-il pas des formes de domination en imposant un savoir dominant tout en infantilisant l’Autre ? Cette question se pose particulièrement en ce qui concerne les femmes racisées, souvent vues à travers un prisme de stéréotypes racistes qui les présentent comme « soumises » à leurs maris, un cliché qui se reflète dans l’obsession des sociétés occidentales pour la liberté de ces femmes. Ces stéréotypes, qui deviennent des vérités imposées par l’Occident, dénigrent non seulement le corps des femmes racisées, mais aussi leurs cultures, jugées inférieures. Dans un contexte où les discours sur la culture montent en puissance, une forme de « racisme diplomatique » s’installe, un racisme qui, en se dissimulant derrière des discours sur la tolérance et la diversité, continue de véhiculer des discriminations.

Ce processus de distanciation ne se limite pas à un rejet des individus migrants ou racisés ; il permet également d’asseoir une domination symbolique et de légitimer les stéréotypes qui alimentent les discriminations. L’action du CFEP, dans ce contexte, doit donc se concentrer sur une déconstruction de ces mécanismes de pouvoir, en mettant en lumière les hiérarchies culturelles implicites qui traversent le champ éducatif.

Féminisme décolonial

Une réflexion sur l’émancipation et la décolonisation des pratiques

Une intervention de Cécile Rugira
Cécile Rugira, ayant travaillé dans le secteur Alpha/FLE et au sein de l’association Vie Féminine, offre une analyse complémentaire à celle de Jérémy Piolat, en abordant les obstacles spécifiques à l’émancipation des femmes racisées dans ces systèmes. Elle parle de ce qu’elle appelle le « plancher collant » auquel sont confrontées ces femmes, une métaphore plus juste que celle du plafond de verre. En effet, contrairement aux femmes blanches qui ont parfois accès à des opportunités d’ascension sociale, les femmes racisées rencontrent des obstacles profonds qui les empêchent d’accéder à des espaces d’émancipation. Il existe une véritable absence d’outils qui leur permettraient de s’élever socialement, et le système éducatif et associatif ne propose pas de solutions adaptées.

Cécile Rugira fait référence à la matrice coloniale développée par Quijaro en 1992, qui explore l’interconnexion entre modernité, racisme, patriarcat et capitalisme, qui se nourrissent mutuellement pour maintenir l’ordre colonial. Cela permet de comprendre comment les structures sociales actuelles continuent de reproduire les hiérarchies héritées de la colonisation. L’approche dominante dans le domaine de l’intégration, qui se veut inclusive, est en réalité souvent une forme d’assimilation : un processus par lequel les groupes dominants imposent leurs normes et valeurs aux personnes racisées. Cette assimilation, qui prétend être un mode d’intégration, est en réalité une forme de violence symbolique, car elle exclut la reconnaissance de la diversité des cultures et impose une uniformisation culturelle et sociale.

Pour Cécile Rugira, l’enjeu est de passer de cette logique d’assimilation à celle de l’inclusion, qui laisse place aux identités culturelles et personnelles des individus. Elle appelle à une décolonisation des pratiques, en adoptant une posture critique vis-à-vis du système dominant et en reconnaissant ses propres biais et privilèges. Cette démarche implique de créer des « safe spaces », des espaces sûrs où les personnes concernées peuvent s’exprimer sans crainte de jugement ni de marginalisation. En outre, elle insiste sur la nécessité de travailler sur le développement du pouvoir d’agir des personnes, en fonction de leurs besoins exprimés, plutôt que d’imposer des solutions toutes faites.

Au niveau pratique, cela se traduit par des actions concrètes, comme la diversification des équipes et la mise en place de partenariats avec des organisations racisées afin de mieux comprendre les besoins et soutenir les initiatives des personnes concernées. Un exemple de cette démarche est la pratique de la discrimination positive, par laquelle des stages ou des opportunités sont spécifiquement ouverts aux personnes racisées, afin de compenser un système qui leur offre rarement de telles opportunités.

Dans le milieu Alpha/FLE, il est crucial de légitimer les savoirs et les histoires des apprenant.es. Cela implique d’adopter une posture consciente de l’héritage colonial et de s’éloigner des postures dominantes. L’un des moyens de renforcer ce pouvoir d’agir est la mise en place d’une cogestion des classes, où les apprenant.es peuvent eux/elles-mêmes s’organiser et décider de leur participation, favorisant ainsi leur autonomie. L’un des leviers clés de cette approche est la représentation : il est crucial que celles et ceux qui parlent de vécus et issus ces communautés soient valorisées. Un exemple poignant de cette question de représentation est celui de Françoise Vergès, qui, issue d’une famille esclavagiste, s’est appropriée un héritage réunionnais qu’elle n’a pas directement vécu, une appropriation qui soulève la question de qui a le droit de parler d’un vécu particulier.

Le rôle de l’allié.e est également central dans cette dynamique, en créant des safe spaces et en portant la parole de ceux qui ne peuvent pas s’exprimer. Dans le contexte du milieu Alpha/FLE, cela pourrait se traduire par des actions concrètes, comme servir de traducteur.trice ou d’interprète, pour permettre une expression plus authentique des besoins des apprenant.es. Cependant, il est essentiel que les allié.es ne s’approprient pas la parole des autres et qu’ils/elles laissent l’espace nécessaire aux personnes concernées, notamment dans les activités non-mixtes, où les individus se connectent autour de leur vécu commun.

Dans ces contextes, la décolonisation des pratiques éducatives et associatives devient une démarche incontournable pour un véritable changement, non seulement au niveau des discours, mais aussi dans les actions concrètes et les transformations des structures sociales et culturelles.

Un article d’Eva Velasco

Bibliographie sur les fondement des études décoloniales et du féminisme décolonial

  • Césaire, Aimé. Discours sur le colonialisme. Présence Africaine, 2024.
  • Colin, Philippe, et Lissell Quiroz. Pensées décoloniales : une introduction aux théories critiques d’Amérique latine. Zones, 2023.
  • Davis, Angela. Femmes, race et classe. Des femmes, 1983.
  • Dussel, Enrique. Philosophie de la libération. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France. « MétaphysiqueS », 2023.
  • Fanon, Frantz. Les damnés de la terre. Editions La Découverte, 1985.
  • Hooks, bell, et Noomi B. Grüsig. De la marge au centre : théorie féministe. Cambourakis, 2017.
  • Larcher, Silyane, et Félix F. Germain. Marianne est aussi noire : luttes occultées pour l’égalité. Éditions du Seuil, 2024.
  • Miano, Léonora. L’autre langue des femmes. Points, 2023.
  • Ouassak, Fatima. La puissance des mères : pour un nouveau sujet révolutionnaire. La Découverte, 2020.
  • Piolat, Jérémie. Sudalisme : l’imaginaire qui nourrit le racisme. Éditions Libre, 2023.
  • Quijano, Aníbal. « “Race” et colonialité du pouvoir ». Mouvements, 2007/3 n° 51, 2007. p. 111-118.
  • Said, Edward William. L’orientalisme : l’orient créé par l’Occident. Paris Points. Essais 2015, 2015.

Documentaire :
Amandine Gay, Ouvrir la Voix, 2017.

La broderie, un art de décoration féministe

La broderie, un art ancien, est une pratique dont les racines remontent à l’Antiquité. Des traces de cet art se retrouvent dans des civilisations telles que l’Égypte, la Grèce, l’Empire romain, et plus tard en Europe médiévale, où elle était pratiquée principalement par les femmes. Considérée comme une activité « domestique », la broderie était souvent reléguée à la sphère privée, associée à des travaux de femmes considérés comme mineurs par rapport aux formes d’art dominées par les hommes, comme la peinture ou la sculpture. Toutefois, au fil du temps, la broderie a subi une transformation radicale, notamment à partir des années 1970, lorsque des artistes et militantes féministes l’ont réappropriée pour en faire un outil de contestation.

Broderie féministe

Une réappropriation féministe de la broderie

Dans les années 1970 et 1980, le mouvement féministe a permis à la broderie de se réapproprier un statut artistique, loin de sa perception traditionnelle de simple activité domestique. Les femmes artistes ont cherché à valoriser cette pratique, longtemps reléguée à l’intimité et considérée comme mineure, en l’intégrant dans des œuvres d’art porteurs de messages sociaux et politiques. Judy Chicago, dans son œuvre The Dinner Party (1974-1979), a utilisé la broderie pour rendre hommage à des figures féminines historiques, redonnant ainsi une légitimité nouvelle aux arts textiles. En incorporant des éléments de broderie dans son travail, elle a transformé cette pratique domestique en une forme d’expression artistique légitime, et a réaffirmé son rôle essentiel dans l’histoire de l’art.

La broderie : un moyen de résistance

La broderie a également servi de moyen de protestation, en particulier au sein du collectif The Guerrilla Girls, qui a utilisé cette forme d’art pour dénoncer les inégalités de genre dans le monde de l’art. Le groupe, fondé en 1985, a souvent brodé des messages subversifs sur des affiches ou des vêtements, en utilisant la broderie comme un outil visuel de résistance. Cette réappropriation a permis de questionner les structures de pouvoir en place, et a montré comment des formes d’art traditionnellement associées à la féminité pouvaient devenir des armes politiques.

Les artistes contemporaines et la broderie subversive

Des artistes contemporaines, comme Ghada Amer ou Zouli Dery, ont également réutilisé la broderie pour questionner les normes sociales liées à la sexualité et au corps féminin. Amer, par exemple, brode des scènes de nu féminin et des motifs sexuels pour contester les attentes sociales et patriarcales. En utilisant la broderie pour traiter de ces sujets, elle redéfinit cette pratique non seulement comme une forme d’art féministe, mais aussi comme un acte de résistance face aux normes de beauté et de comportement imposées aux femmes. Ces œuvres cherchent à transformer des pratiques perçues comme subalternes en des instruments de subversion et d’affirmation de soi.

la broderie outil d'émancipation féministe

Réévaluation des pratiques féminines dans l’art

Au-delà des artistes, des historiens de l’art et des chercheurs féministes ont joué un rôle clé dans la révision de l’histoire de la broderie. Joanna Frueh, dans son ouvrage The Body of the Work (1993), explore comment les femmes ont utilisé des formes d’art comme la broderie pour remettre en question et redéfinir leur place dans le monde artistique. Selon Frueh, ces pratiques permettent de renverser les hiérarchies de valeur qui ont longtemps marginalisé l’art textile en le cantonnant à la sphère domestique et féminine.

La broderie comme résistance visuelle et politique

Plus récemment, des projets de « stitch protests » (protestations par la broderie, vidéo ici) ont émergé, où des militantes et des artistes utilisent la broderie pour afficher des messages sociaux et politiques sur des panneaux publics ou des vêtements. Ces formes de protestation visent à transformer des espaces privés en lieux d’affirmation politique. Par exemple, des femmes brodent des slogans dénonçant les inégalités de genre, les violences faites aux femmes, ou encore les attentes sociales placées sur leurs corps.

Ainsi, la broderie, loin d’être une pratique folklorique ou domestique, est devenue un instrument de lutte et d’émancipation. Les femmes, en réintégrant cette pratique dans un cadre d’expression artistique et politique, ont su lui redonner une dimension subversive et moderne. Aujourd’hui, la broderie continue de servir de moyen puissant pour affirmer des voix féministes et contester les normes sociales dominantes.

Un article d’Eva

broderie outil féministe

Sources

  • Chicago, Judy. The Dinner Party: From Creation to Preservation. Merrell, 2007.
  • Frueh, Joanna. The Body of the Work: Feminist Art in the 1980s. Routledge, 1993.
  • Amer, Ghada. Ghada Amer: Works from 1993-2005. New York: The Museum of Modern Art, 2005.
  • Guerrilla Girls. The Guerrilla Girls’ Bedside Companion to the History of Western Art. Guerrilla Girls, 1995.
  • May, Sophie. “Protest by Stitch: Embroidery as Political Resistance.” Textile: The Journal of Cloth and Culture, vol. 15, no. 2, 2017, pp. 201-216.
  • Parker, Rozsika. The Subversive Stitch: Embroidery and the Making of the Feminine. Reprinted, Bloomsbury Visual Arts, 2019.

Rivalités entre femmes* : un stéréotype sexiste alimenté par le patriarcat

Le fait que les relations entre femmes* soient inévitablement sujettes à des rivalités est très certainement un stéréotype sexiste, alimenté entre autres par la plume des auteurs (hommes, bien sûr) depuis l’Antiquité, et par les représentations véhiculées par la culture populaire jusqu’à nos jours.
Cependant, des rivalités entre femmes existent réellement, et sont rapportées par des expériences de femmes sur leur lieu de travail, par exemple. Mais ce type de relations entre femmes, en tant que phénomène social structurel, est une conséquence du système patriarcal et hétéronormatif dans lequel nous vivons.

* Par femmes, le CFEP entend toutes les personnes qui s’identifient comme femmes ; c’est donc en ce sens également qu’on l’appréhende dans cet article.

stéréotypes sexistes et rivalité entre femmes

L’hétéro-patriarcat : diviser pour mieux régner

En effet, dans ce système, les individus, y compris les femmes, intègrent l’idée d’une supériorité des hommes, des valeurs et des qualités qui leur sont associées, et d’une infériorité des femmes. Dans ce contexte, les hommes seuls ont le pouvoir de valoriser et d’estimer les femmes, et c’est essentiellement autour de cela que des rivalités peuvent apparaître. Les femmes tendent davantage à s’identifier aux hommes qu’aux autres femmes. Elles cherchent à s’attirer leurs faveurs, à s’inscrire dans leur système d’institutions sociales, à s’y faire une place dans des positions de pouvoir, très rares et difficiles d’accès pour elles. Dans ce contexte, on comprend que toute nouvelle venue peut être perçue comme une ennemie potentielle, si l’on ajoute à cela la misogynie que les femmes, comme les hommes, intériorisent. Cette rivalité, pour Susan Shapiro, se différencie d’un esprit de compétition, qui accompagne un contexte où l’on sait que l’on se mesure à quelqu’un d’autre « à armes égales », en ayant conscience de sa valeur. La rivalité qui peut exister entre femmes est motivée plutôt par la peur d’être supplantée par l’autre. Elle est d’autant plus vicieuse et stigmatisante qu’elle est inconsciente et mal perçue socialement pour les femmes, alors que pour les hommes, la compétition est valorisée.

Ainsi, tout en performant la féminité pour coller aux attentes de genre qui leur sont attribuées, les femmes ont tendance à se distancier des groupes de femmes, et cela se marque plus fort dès l’adolescence. Elles se revendiquent comme « différentes des autres » pour se valoriser aux yeux des hommes et tenter de ne pas incarner de stéréotypes négatifs associés aux femmes. Elles accordent moins de crédit aux propos de femmes, et à leurs relations avec des femmes, comme si elles les vivaient par défaut, faute de pouvoir passer leur temps avec un homme. Il peut ainsi exister ce que Charrel appelle le « syndrome de l’unique ». C’est-à-dire le caractère flatteur, voire la fierté, liés au fait d’être la seule femme entourée d’hommes, ou qui a su se faire une place dans un univers essentiellement masculin, dans les milieux professionnel ou amical.

Rivalité et relations affectives

Ces phénomènes se traduisent, entre autres, dans les relations affectives. D’autant que l’hétéronormativité vient alors s’allier au patriarcat pour refuser aux femmes toute autre relation qu’une relation romantique (ou, du moins, conjugale) avec un homme, censée être le summum, voire la source unique, de leur accomplissement. Dans ce double système, la femme n’existe socialement, ne pense pouvoir exister socialement, que dans une relation avec un homme, essentiellement une relation de couple (exclusive). Cette relation est donc présentée et perçue, dans notre société, comme supérieure à toutes les autres, prioritaire. Et ce, sur un marché de l’amour inégal, puisque la polygamie de l’homme est valorisée socialement, alors que celle de la femme est condamnée. Chaque femme, pour exister socialement, remplir les rôles sociaux qui sont attendus d’elle, est donc censée trouver et conserver son partenaire, qui reste toutefois disponible, en théorie, pour toutes les autres femmes. De là, une rivalité peut se mettre en place.

Cette rivalité peut se porter sur le physique et la beauté, puisque dans le système hétéro-patriarcal les femmes sont réifiées, considérées comme des objets sexuels et des corps reproductifs. N’étant pas encouragées à exister par leur intellect, et ayant intériorisé leur position sociale inférieure, les femmes peuvent manquer d’estime d’elles-mêmes. Et puisque l’homme a la prérogative de valorisation des femmes, celles-ci peuvent chercher à coller aux normes de beauté et de désirabilité pour gagner ses faveurs. Et, par suite, trouver un partenaire et accomplir leur rôle social. Cela renforce, en retour, les stéréotypes de genre.

Et l’amitié dans tout ça ?

L’hétéronormativité rend difficile l’existence d’autres formes de relations affectives qui permettraient de dépasser les rapports de genre inégaux, que le couple hétérosexuel perpétue et justifie. Ainsi, les relations d’amitié entre femmes par exemple passent au second plan, pratiquement et dans les représentations, entre autres celles que l’on retrouve dans la culture populaire. Elles y sont très souvent invisibilisées ou, quand elles sont montrées, c’est souvent de manière stéréotypée. Elles font l’objet de dénigrement et de moquerie. Ainsi, de telles amitiés peuvent être marquées par la jalousie, l’envie, l’agressivité, la compétition (notamment dans le cadre d’une conquête amoureuse, ce qui démontre bien la hiérarchie entre amour romantique hétérosexuel et amitié entre femmes qui est présentée), la superficialité, la bêtise.

En fait, dans le système hétéro-patriarcal, l’amitié, comme l’ensemble des valeurs et des normes dominantes, est pensée par et pour les hommes : les femmes en sont exclues. Jacques Derrida, dans Politiques de l’amitié (1994), résume bien la manière dont les auteurs ont envisagé les femmes et leurs relations depuis l’Antiquité : elles ne seraient capables que d’amour romantique et maternel, et pas d’amitiés, avec des hommes comme avec des femmes. De plus, dans la logique de ces pensées, les femmes, cantonnées à l’espace privé, voient leurs occasions de nouer des amitiés avec d’autres femmes limitées. Elles se contentent de prendre soin de leur mari, de leurs enfants et de leur foyer.

En fait, l’amitié, comme les relations lesbiennes, sont des formes de relations affectives potentiellement subversives pour le système hétéro-patriarcal, perçues comme une menace à son maintien. C’est pourquoi elles ont toujours été condamnées et invisibilisées par ce même système.

En résumé

Si des rivalités entre femmes peuvent réellement exister, elles sont le fruit du système patriarcal et hétéronormatif dans lequel nous vivons. Celui-ci influence les représentations que nous avons des relations entre femmes et la façon dont nous les vivons concrètement. Ces représentations sont répercutées et véhiculées, entre autres, par la culture populaire dominante.

Sororité, adelphité : la solidarité pour lutter

Pour résister et renverser les structures de domination en place, plusieurs féministes prônent la sororité, soit une forme de solidarité politique entre femmes, chargée d’affect et d’estime mutuels. Elle est basée sur la conscience commune des femmes de leur condition d’exploitation, la volonté d’y mettre un terme et la mise en place d’actions concrètes pour que cela advienne. Cette sororité doit donc passer par une prise de conscience de cette condition commune. Les femmes doivent s’identifier et se reconnaître entre elles, et cesser de s’identifier aux dominants. Elles doivent reconnaître que la source de leurs difficultés n’est pas les autres femmes, mais bien le système patriarcal et hétéronormatif dans lequel elles vivent, qui les exploite, et qu’elles contribuent elles aussi à maintenir en place en en ayant intériorisé les idées. Plusieurs autrices, dont Marcela Lagarde et bell hooks, insistent toutefois sur le fait que la sororité doit être intersectionnelle, et tenir compte des différences raciales, de classe, d’orientations sexuelles, etc, entre les femmes sans chercher à les effacer, pour ne pas reproduire entre elles des dynamiques de domination (voir notre article). Bien sûr, une telle sororité n’est pas facile à mettre en place en raison même de ses conditions d’existence, et parce que le système patriarcal tire parti de la division des femmes.

On notera que la sororité peut aussi faire l’objet d’une certaine méfiance, par peur de cette homogénéisation des « femmes » mais aussi d’une récupération politique et d’un usage creux, sans en comprendre le sens et les implications politique réels.

De plus, nous pouvons préférer au terme de sororité celui d’adelphité. Il vient du grec adelph, dont dérivent les mots en grec désignant « sœur » et « frère » (quand, dans d’autres langues, ces deux mots proviennent de racines différentes). On l’utilise pour désigner une solidarité entre personnes quel que soit leur genre. Ainsi, le terme est plus inclusif et permet d’aborder des réalités politiques que la sororité n’envisage peut-être pas. La solidarité politique est ici encouragée entre personnes qui ne sont pas uniquement conçues comme des femmes cisgenres.

Un article d’Alix Taillan

Sources

Afilal, K. (2023). Rivalité féminine au travail : enseignements d’une étude exploratoire auprès des femmes marocaines. Revue Internationale des Sciences de Gestion, 6(2), 193 – 211. DOI : https://doi.org/10.5281/zenodo.7849866.

Anne Sylvestre. (1979). Frangines. J’ai de bonnes nouvelles [CD].

Carpent, M., Delhez, E., Henrard, F., et Kaison, L. (2022). Armes sœurs. L’amitié entre femmes comme solidarité politique et source d’émancipation [Article académique]. IHECS, Bruxelles.

Charlotte Bienaimé. (2022). Les copines d’abord. Un podcast à soi [podcast]. France : Arte Radio.

Charrel, M. (2021). Qui a peur des vieilles ? Editions Les Pérégrines. 

Ferrarese, E. (2012). bell hooks et le politique. La lutte, la souffrance et l’amour. Dans A. M. Devreux et D. Lamoureux (dir.), Cahiers du genre, N°52Les antiféminismes (pp. 219-240). DOI : 10.3917/cdge.052.0219.

Lagarde, M. (2014). Enemistad y sororidad: Hacia una nueva cultura feminista [Manifeste]. Récupéré le 6 février 2025 de https://e-mujeres.net/.

Liamchine, S. de, et Robert, J. (2023). Sororité & rivalité féminine. Présence et Action Culturelles. Récupéré le 6 février 2025 de https://www.pac-g.be/analyse-16-sororite-et-rivalite-feminine/.

Liedo, B. (2022). Juntas y revueltas: la sororidad en el feminismo contemporáneo. Recerca, Revista de Pensament i Anàlisi, 27(2).

DOI :  http://dx.doi.org/10.6035/recerca.6539.

Olivier, C. (2024). Les relations entre femmes dans les films d’action du XXIe siècle. De la rivalité à la sororité, une étape indispensable à un changement des stéréotypes ? [Mémoire de maîtrise]. Université du Québec à Montréal, Québec, Canada.

Roubin, S. (2019). Le polyamour, un mode de relation féministe ? Collectif contre les violences familiales et l’exclusion asbl. Récupéré le 6 février 2025 de https://www.cvfe.be/publications/analyses/208-le-polyamour-un-mode-de-relation-feministe.

Fallait pas nous crêper le chignon : une conférence gesticulée de Daphné Linardos

Une conférence gesticulée à voir absolument !

Il y a des moments où l’envie nous prend de regarder le moche, le difficile, ce qu’on a du mal à admettre parce qu’on préfère se raconter que « c’est pas nous ça ». À l’heure du post Metoo et de la sororité brandie en étendards, Daphné Linardos nous propose donc de nous arrêter un instant pour examiner les questions de rivalité féminine. À l’écran ou dans nos vies, quelle est la réalité et l’importance de ce phénomène ? D’où vient-il ? Comment va-t-il jusqu’à imprégner les sphères les plus intimes de nos vies ? Des clichés que nous avons intégrés à la mise en concurrence des femmes en passant par les drames amoureux, qu’est-ce qui se joue réellement quand une relation entre deux femmes* est mise à mal ? Pourquoi est-ce qu’on attend de moi que je déteste les exs de mon mec et la meuf de mon ex ? Et puis comment en sortir ? SPOILER ALERTE : on parlera sororité, patriarcat, émancipation et adelphité. Mais on le fera en se serrant les coudes !

Une conférence gesticulée est une forme de spectacle mêlant récit autobiographique et analyse critique, souvent sur un sujet de société. Elle mélange humour, émotion et engagement pour transmettre un message politique ou social.
Prix 5 €, Soupe, sandwiches et boissons à disposition + drink offert après la conférence !

Atelier de broderie pendant les vacances de Carnaval

Atelier de broderie : Un Moment de Créativité pendant les vacances

Du lundi 24 au vendredi 28 février de 14h à 16h30 – 5 euros par adulte

Pour les mamans et leurs enfants à partir de 8 ans.

Pendant les vacances de carnaval, notre association propose un atelier de broderie dédié aux femmes et à leurs enfants. Cet espace de créativité permettra de découvrir ou de perfectionner l’art de la broderie tout en partageant un moment convivial. Accompagné.es par une animatrice expérimentée, les participant.es apprendront différentes techniques, du point de croix aux motifs colorés. En plus du plaisir créatif, cet atelier favorise l’échange, la transmission et le renforcement des liens intergénérationnels.

Une belle occasion de tisser du lien tout en fil et en amitié !

Infos et inscriptions au 02 229 38 42/52
5 euros par adulte pour toute la semaine

En collaboration avec R-Use Fabrik asbl

Expo Assoc’Solidaires à la bibliothèque de Saint-Josse

Une exposition des projets réalisés par les associations de Saint-Josse et leurs publics.

Le CFEP expose les projets artistiques des Ateliers de l’Egalité et de la Citoyenneté, de l’atelier de Français Langue Etrangère et des ateliers informatiques pour adultes.

Découvrez tous nos projets ici

CONFERENCE – FEMMES & POLITIQUE

Le pouvoir des femmes dans le processus démocratique

 

Cette conférence met en lumière le rôle des femmes lors des élections, en tant qu’électrices, candidates et élues. Pour qui votent-elles ? Quelles places reçoivent-elles de leur parti ? Combien de candidates sont élues ? Ont-elles un rôle clé après les élections ? Quelles places occupent-elles dans les organes décisionnels ?

Audrey Vandeleene, Emilie van Haute et Sarra El Massaoudi nous apportent leur éclairage sur ces thématiques liées à la participation des femmes en politique. Une séance de questions-réponses permettra d’approfondir ces thématiques et d’ouvrir le débat.

N’hésitez pas à proposer vos questions lors de votre inscription ! [email protected]

Sarra El Massaoudi est journaliste (Les Grenades, RTL), réalisatrice du podcast Nos héritages, chargée de projets pour l’Association pour la Diversité et l’Inclusion dans les Médias (ADIM).

Audrey Vandeleene est chercheure postdoctorale et maîtresse de conférences à l’Université Libre de Bruxelles. Ses recherches, menées au Centre d’étude de la vie politique (Cevipol), portent sur les partis politiques, la démocratie dans les partis, la représentation politique et les questions de genre et politique.

Emilie van Haute est Professeure de recherche Francqui au Département de Sciences Politiques de l’Université libre de Bruxelles. Elle mène ses recherches au Centre d’étude de la vie politique (Cevipol). Ses travaux portent sur les partis politiques, la participation et la représentation politiques, les élections et la démocratie.

Programme :

  • 18h30 : accueil
  • 19h00 : conférence
  • 19h30 : questions-réponses
  • 20h30 : drink offert

Réservation souhaitée – paiement sur place possible
Inscrivez-vous  ci-dessous, par téléphone (022293842) ou par mail ([email protected]).

Le féminisme, c’est quoi ?

En mars, on parle féminisme

Voici nos premiers petits guides, qui font partie de notre projet afin de créer des outils de sensibilisation. Avec un focus sur un thème par mois, ils sont conçus avec passion par notre ASBL pour démystifier, éduquer et inspirer.

Pour une première, on veut replacer et affiner nos connaissances sur la notion de féminisme, pour avoir une base solide pour la suite. À travers des mots simples et des idées puissantes, nous souhaitons rendre le féminisme accessible à toustes, en mettant en lumière ses enjeux, ses victoires, et les défis qu’il reste à relever. Que vous soyez novice en la matière ou déjà engagé.e dans la cause, ces guides sont là pour vous accompagner dans votre découverte ou approfondissement du féminisme.

Ils sont également disponibles en version papier. Contactez-nous pour plus d’infos.

Vous trouverez 3 parties : la première sur l’histoire et les différentes vagues du féminisme, la deuxième sur les types qui co-existent et la troisième est un focus sur les féminismes intersectionnels, car c’est là qu’est notre lutte.

La grossophobie, c’est quoi ?

En avril, on parle grossophobie

La grossophobie, fréquente et banalisée, génère discriminations et préjugés envers les personnes en surpoids ou obèses. Elle entrave l’accès aux soins, à l’emploi et à d’autres domaines de la vie quotidienne. Comprendre et reconnaître cette réalité est essentiel pour construire une société plus équitable, respectueuse de la diversité des corps.

Pour y réfléchir et lutter ensemble contre ces préjugés et ces stéréotypes, nous vous proposons de découvrir notre outil de sensibilisation « Le petit guide sur la grossophobie« .

Il existe en version papier gratuitement, si cela vous intéresse, contactez-nous par mail ou par téléphone.

femme devant un miroir

Body Positivisme : un mouvement en mutation

Depuis plusieurs décennies, le mouvement du body positivisme a évolué, passant d’une révolution contre les normes esthétiques oppressives à une expression individualiste de l’acceptation de soi.  Originalement conçu par les femmes grosses comme un cri de résistance contre les normes de beauté restrictives et discriminatoires, le mouvement a désormais été récupéré par une variété de voix. Il a évolué pour devenir une plate-forme où une multitude de voix s’expriment, parfois au détriment de son essence militante initiale.

body positivisme

Les origines du body positivisme

L’histoire du body positivisme remonte à plusieurs décennies, mais ses origines modernes peuvent être retracées dans les années 1960-70. À cette époque, des voix marginales commencent à se faire entendre, défiant les normes rigides de beauté et de taille imposées par la société. Llewellyn Louderback, auteur américain, publie en 1967 un article intitulé « More People Should be Fat! » dans The Saturday Evening Post, exposant les défis rencontrés par sa femme en raison de son poids. Cet article inspire Bill Fabrey à fonder en 1969 la National Association to Advance Fat Acceptance (NAAFA), luttant contre la discrimination envers les personnes en surpoids. Ensuite, en 1996, l’association The Body Positive est fondée par Connie Sobczak et Elizabeth Scott, avec pour objectif d’aider les individus à accepter leur corps et à lutter contre les troubles alimentaires.

Un mouvement qui évolue

Cependant, au fil des décennies, le body positivisme a subi des transformations significatives. Avec l’avènement des réseaux sociaux, le mouvement a connu une popularité croissante, atteignant un public plus large. Les plateformes telles que Instagram et Twitter ont permis à un large éventail de personnes de partager leurs expériences et de revendiquer l’acceptation de soi, quel que soit leur poids ou leur apparence. Mais cette popularité a également entraîné une dilution du message original du mouvement. De nos jours, il n’est pas rare de voir des personnes minces et répondant aux normes, utiliser le hashtag #bodypositive pour partager leurs propres insécurités physiques, telles que des vergetures ou des bourrelets. Bien que ces préoccupations soient légitimes, elles émanent souvent de corps qui correspondent déjà aux normes de beauté dominantes, détournant ainsi l’attention des personnes qui étaient à l’origine marginalisées en raison de leur poids ou de leur apparence.

Une ré-appropriation critiquée

Cette évolution du body positivisme a suscité des débats au sein du mouvement lui-même. Des voix s’élèvent pour dénoncer la déformation du mouvement, qui était à l’origine politique et militante. Le collectif Gras Politique, une association française luttant contre la grossophobie, souligne que le mouvement a été porté par des femmes grosses et racisées se sentant invisibles et mal considérées dans la société américaine. L’utilisation du mouvement par des personnes minces et conventionnellement belles a conduit à une perte de l’essence même du body positivisme, qui était de défier les normes de beauté dominantes et de lutter contre la discrimination basée sur le poids.

Dans son édition de juillet, le *Süddeutsche Zeitung Magazin* dresse un portrait désabusé du body positivisme, qualifiant le mouvement de “beau principe” mais aussi d' »idée fabuleuse » difficilement réalisable dans une société où les normes de beauté sont étroitement liées au capitalisme. Le magazine souligne également comment le mouvement a été détourné par l’industrie de la mode et de la beauté, devenant parfois une simple stratégie marketing. Le magazine allemand souligne que le retour de l’extrême maigreur sur les podiums de la haute couture et les campagnes publicitaires « prétendument inclusives » ne font que perpétuer les injonctions esthétiques traditionnelles. En effet, bien que des mannequins plus size soient mis en avant, ils sont souvent présentés avec des traits conventionnellement attrayants, ce qui renforce la pression sur l’apparence physique plutôt que de la réduire et invisibilise d’autant plus les corps gros et très gros. Face à ces constats, le concept de « body neutrality » émerge, mettant l’accent non pas sur l’aspect esthétique des corps, mais sur la dissociation de la valeur personnelle de l’apparence physique.

Vers plus d’inclusivité ?

Outre les nombreuses critiques de ré-appropriation du mouvement body positive par un public non concerné par la problématique initiale, certain.es défenseur.euses du mouvement soutiennent que le body positivisme devrait être inclusif de toutes les formes de corps et de toutes les expériences. Vannah Malila, fondatrice de CURVE, le premier mouvement body positive en Belgique, insiste sur le fait que le body positive concerne tout le monde, y compris les personnes minces. Elle souligne que les hommes ont également du mal à assumer leurs complexes et que leur représentation dans le mouvement est encore trop faible. Pour elle, le message du mouvement va bien au-delà du simple fait d’accepter ses rondeurs ; il s’agit plutôt d’accepter et de célébrer la diversité corporelle dans toutes ses formes.

Conclusion

En conclusion, le body positivisme émerge comme un mouvement en mutation, ayant traversé des décennies d’évolution depuis ses origines militantes dans les années 1960-70. Initialement conçu comme une réponse aux normes de beauté oppressives par les personnes grosses et très grosses, il a évolué pour devenir une plate-forme d’acceptation de soi où diverses voix s’expriment. Cependant, cette popularité croissante a conduit à une réappropriation critiquée du mouvement, avec des voix dénonçant sa dilution et sa déformation par des individus qui entrent néanmoins dans les cases conventionnelles de la beauté. Malgré cela, certain.es défenseur.euses du body positivisme soutiennent une vision inclusive, célébrant la diversité corporelle dans toutes ses formes. Dans l’ensemble, le body positivisme est à un tournant de son histoire. Alors que le mouvement continue d’évoluer, il est crucial de se souvenir de ses origines militantes et de s’efforcer de maintenir son engagement en faveur de la justice sociale et de l’inclusivité. Seulement ainsi pourra-t-il véritablement atteindre son objectif de libérer tous les corps des contraintes des normes esthétiques oppressives.

Bibliographie

Collectif Gras Politique. (2024). Body Positivisme : Plus que jamais, un mouvement militant [Blog post]. Récupéré sur https://graspolitique.fr/body-positivisme-plus-que-jamais-un-mouvement-militant/

Courrier International. (2023, 20 juillet). La fin de l’“idée fabuleuse” du body positivisme. *Courrier International*. https://www.courrierinternational.com/une/une-du-jour-la-fin-de-l-idee-fabuleuse-du-body-positivisme

Hidoussi, V. (2022, 25 octobre). *À double tranchant  ;  : les limites du body positive*. Madame Figaro. https://madame.lefigaro.fr/bien-etre/forme-detente/a-double-tranchant-les-limites-du-body-positive-20220410

Louderback, L. (1967). More People Should be Fat! The Saturday Evening Post.

Pirmez, M. (2019, 9 novembre). *Body positivisme, un mouvement faussement incluant ? – Mammouth Média*. Mammouth Média. https://www.mammouth.media/body-positivisme-mouvement-faussement-incluant/

Sobczak, C., & Scott, E. (1996). The Body Positive: A Guide to Loving Your Body. Gurze Books.

Süddeutsche Zeitung Magazin. (2024). Le Body Positivisme : À la recherche de ses origines [Article]. Süddeutsche Zeitung.

Stand-up féminin

Nouvelle séance à 21h !

Plongez dans l’univers hilarant du stand-up avec Dena, Sarah Lélé, Oriane Garcia et Fanny Ruwet, au KINGS Comedy Club à Ixelles, le dimanche 17 mars.
Le CFEP vous propose une soirée inoubliable où les femmes prennent le devant de la scène pour vous faire mourir de rire.
Au programme de ce plateau 100% féminin : 4 humoristes vous font découvrir leur 4 univers pendant 15 minutes, pour un moment de détente et de joie militante.
Venez profiter avec nous de leur humour sans filtre, où les rires fusent à chaque punchline, où les anecdotes du quotidien prennent une toute nouvelle dimension et où plus rien n’est tabou !
Réservez vos places dès maintenant : le ticket est à 5 euros par personne et un verre est offert sur place !
Personne devant un ordinateur, bloc-notes, et tasse de café

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