LIMITES
Fondamentalement, il s’agit donc de prendre du temps pour soi-même ; du temps simplement destiné à se ressourcer, à se détendre, à trouver un équilibre et de la compassion envers soi-même. In fine, de préserver un mode de vie épanouissant et durable.
Actuellement, les dérives du bien-être se situent à l’intersection entre nombreuses discriminations : elles sont sexistes, classistes, individualistes, productivistes…
CONSUMÉRISME & INDIVIDUALISME
Ines nous a prévenu·es ; la peau a 3 besoins, le reste est marketing. Et, en effet, le bien-être est devenu « un marché, l’une des poules aux œufs d’or du capitalisme à la fin des années 80 et s’impose peu à peu comme une obligation » (Camille Teste, Politiser le bien-être, Binge Editions, 2023). Cette industrie a été évaluée à environ 11 milliards de dollars en 2018 et continue de croître.
En effet, malgré la radicalité de son origine et la beauté de l’idée de base, le selfcare tel que nous le connaissons aujourd’hui a été édulcoré et marchandisé. Nous, consommateurices, recherchons des voies de soulagement face aux stress toujours croissants auxquels nous sommes confronté.es ; aussi, les entreprises, toujours aussi réactives, répondent à cette demande et ce besoin grandissant en les capitalisant. Cette récente tendance du marketing axé sur le bien-être est une stratégie très claire pour nous distraire et nous tenir éloigné.es des réels enjeux sociétaux actuels.
Mais pourquoi ça marche ? Est-ce que le selfcare n’est pas devenu une excuse pour glorifier un monde de plus en plus individualiste ?
On nous dit simplement d’acheter un nouveau produit pour résoudre nos problèmes. Mais aucun nombre de bains moussants ou de jus verts ne pourra réparer une culture qui dévalue constamment notre bien-être émotionnel et nous dit que la seule manière d’être heureux.se est de continuer à se mettre une pression sur les épaules pour aller mieux, chacun.e chez soi.
Or, quand le monde est hostile, on se referme sur son petit cocon, sa petite vie à soi. En effet, le selfcare, c’est notre moyen individuel d’avoir la sensation de reprendre le contrôle de nos vies. C’est notre échappatoire. En effet, nos problèmes actuels sont tellement immenses (climat, fascisme, sexisme, racisme…) que, « à défaut de se sentir capable de s’attaquer aux réels problèmes, on s’attaque aux symptômes. On a totalement perdu ce réflexe du collectif, d’organisation collective » (Camille Teste, Politiser le bien-être, Binge Editions, 2023).
« Cette idée que nous n’avons aucune responsabilité collective de ce qu’il se passe dans le monde ou dans le cœur des autres, c’est une théorie fictionnelle de propagande politique, qui nous mène tout droit à un égoïsme suprême érigée en valeur morale, qui nous insensibilise petit à petit et nous envoie droit vers la catastrophe fasciste. Parce que sans communauté, sans responsabilité commune, il n’y a plus de collectif ni de société » (Judith Duportail, Selfcare ta mère, Binge Audio, 2023).
CLASSISME, SEXISME & CAPITALISME
Il faut être honnête : nous parlons ici d’un concept principalement orienté vers les femmes ou personnes qui se définissent comme telles. Le patriarcat perpétue des standards de beauté inaccessibles, exerçant une pression sur nous pour atteindre un certain niveau de perfection. Les réseaux sociaux sont souvent inondés d’images de routines de selfcare impeccables, de séances d’entraînement quotidiennes, de repas sains préparés avec soin, et de spas à domicile somptueux. Cette représentation idéalisée du selfcare peut créer un sentiment de culpabilité pour les gens qui ne parviennent pas à suivre ces normes élevées.
Une autre limite du selfcare est son coût potentiel. De nombreuses pratiques de selfcare, telles que les soins de la peau haut de gamme, les abonnements à des studios de fitness, ou même des vacances de bien-être, peuvent être financièrement inabordables pour une très grande partie de la population. Cela crée une discrimination de plus entre les gens, engendrant des sentiments d’injustice et d’exclusion.
Le selfcare peut également être compromis par la pression du temps et de la productivité. Dans une société où le rythme de vie est souvent effréné, prendre du temps pour soi peut sembler un luxe que peu de gens peuvent se permettre. Parallèlement, il existe une pression sociale pour être constamment productif, ce qui peut pousser les individus à négliger leurs besoins en selfcare au profit de l’efficacité.
On le comprend, le selfcare est représentatif de notre société quand on observe les discriminations qu’il englobe : dérives individualiste et capitaliste, privilèges de classes, etc. Pour autant, cela reste un concept essentiel dans nos vies.
Mais, alors, comment redonner au bien-être sa beauté militante ?
Comment trouver l’équilibre en ces temps de chaos ?